Le travail de Clara Tournay s’avance comme une lente incantation du monde. Ses œuvres, entre matière et mirage, semblent en perpétuelle métamorphose. Dans ses compositions, le monde paraît naître à nouveau. C’est dans cette constellation que s’inscrit Ciudad de las Montañas.
Monterrey, d’abord : une ville accrochée à la roche, qui s’ouvre comme un décor de théâtre et engloutit le regard. La Sierra Madre et le Cerro de la Silla dressent leurs masses comme des parois initiatiques, des seuils où l’œil bascule entre profondeur, sol et ciel. Dans cette géographie verticale, Clara Tournay perçoit un monde stratifié, où plans minéral, atmosphérique et humain se répondent.
Au Museo de Historia Mexicana, elle découvre les cosmologies préhispaniques : inframonde, terrestre, céleste. Elle n’en retient pas les figures, mais l’architecture : une manière de comprendre comment un territoire organise la lumière, le récit, la mémoire. Monterrey réactive cette pensée par sa seule topographie : crêtes serrées, vallées abruptes, tensions entre ville et montagne. Un monde en coupe.
Ses peintures enregistrent ces passages : la couleur s’y dépose, glisse, affleure, comme un paysage transitoire cherchant sa forme. Ses sculptures prolongent cet élan : une colonne ascensionnelle, un arbre cosmique reliant profondeur et ciel, une créature inspirée des alebrijes qui veille sur les seuils du monde.
Ciudad de las Montañas ne décrit pas Monterrey : elle la fait surgir. Elle révèle ce qui circule entre les plans du réel, ce qui remonte depuis l’invisible. L’exposition invite à voir le territoire non comme une surface stable, mais comme un ensemble de passages où géologie, mythe et perception s’entrelacent.